Vivre avec un corps et une vie que l’on n’a pas choisis
Ce récit n’est pas celui d’une personne que j’accompagne, mais celui de mon cousin adoré, que j’ai décidé de renommer ici « Roger ».
Quand l’attente devient un poids : Comment vivre avec un corps et une vie que l’on n’a pas choisis ?
Imaginez un monde où votre corps vous trahit chaque jour, où vous êtes prisonnier de vos propres limitations physiques. C’est la réalité de Roger, un homme né avec la maladie de Little, une forme de paralysie cérébrale. Depuis son enfance, Roger est enfermé dans un corps qu’il ne contrôle pas, chaque mouvement étant un défi, chaque parole une lutte. Pourtant, la bataille la plus profonde que mène Roger n’est pas contre son corps, mais contre l’immobilité, l’attente, et la monotonie qui marquent son existence.
Comment trouver du sens à une vie lorsque votre corps devient une barrière permanente ?
La vie vue à travers une fenêtre : l’unique échappatoire de Roger
Durant son enfance, Roger était surprotégé par sa mère, qui craignait les regards de l’extérieur. Il observait la vie défiler à travers la fenêtre de son salon, les autres enfants jouant et courant, alors que lui restait cloué à son fauteuil. Cette fenêtre, sa seule ouverture sur le monde extérieur, symbolisait la liberté dont il rêvait, mais qui lui échappait constamment.
À travers cette fenêtre, Roger voyait sa vie se dérouler sans lui. Il était spectateur, non acteur. Ses rêves d’enfant, comme explorer le monde, étaient constamment bloqués par les limites de son propre corps.
Le quotidien en maison médicalisée : un refuge sans évasion
Aujourd’hui, Roger vit dans une Maison d’Accueil Spécialisée (MAS). Bien que ses besoins physiques soient pris en charge, chaque jour ressemble au précédent. Les mêmes visages, les mêmes gestes, la même routine. La vie semble figée dans une boucle infinie. Il connaît par cœur les petites habitudes des soignants, les horaires précis des repas, les promenades organisées.
Mais dans cette routine, l’ennui s’installe. « Le temps est long, si long », murmure-t-il parfois, en luttant pour articuler ses mots. Cette répétition quotidienne soulève une question cruciale : peut-on véritablement vivre pleinement lorsque chaque jour est une réplique du précédent ?
L’attente sans réponse : une question sans fin
Le poids le plus lourd que Roger porte, c’est celui de l’attente. Une attente permanente, sans véritable objectif. Que peut-il attendre, exactement ? Que quelque chose change ? Que le temps passe plus vite ? Dans cette routine, même les gestes les plus insignifiants deviennent des repères : le passage quotidien du comptable Brahim à 13 heures, ou les rituels des résidents. Roger s’accroche à ces moments, comme à des bouées dans un océan de répétitions.
Mais cela soulève une question bien plus profonde : comment donner un sens à la vie lorsqu’elle semble se dérouler dans une boucle sans fin ?
La liberté intérieure : une forme de résistance douce
Malgré l’immobilité de son corps, Roger a découvert une forme de liberté que rien ni personne ne peut lui enlever : sa liberté intérieure. C’est dans les petits détails de son quotidien, dans les rituels répétés et les interactions humaines, qu’il trouve un sens. Chaque sourire échangé, chaque observation minutieuse devient pour lui une manière subtile de résister aux contraintes de son corps.
Sa liberté ne se mesure pas en kilomètres parcourus ou en exploits physiques, mais dans sa capacité à observer, à réfléchir, à se connecter aux autres résidents. Pour Roger, chaque interaction devient un acte de résistance contre l’immobilité.
Entre contraintes et possibilités : une nouvelle forme d’équilibre
Roger a appris à naviguer entre ses limitations physiques et les petites possibilités qui lui restent. Il sait que certaines choses ne changeront jamais, que certaines réalités sont immuables. Mais il a trouvé un équilibre entre ce qu’il ne peut pas modifier et ce qu’il peut encore explorer.
Chaque sourire échangé, chaque geste observé devient une preuve que, même dans un monde figé, il reste toujours une part de nous-mêmes que l’on peut faire grandir. Roger montre que, même avec un corps contraint, l’esprit peut s’épanouir.
La leçon de Roger : l’immobilité n’est pas la fin, mais un point de départ
Roger nous enseigne une leçon précieuse : même dans une vie marquée par l’immobilité et l’attente, il est possible de trouver du sens, de cultiver une liberté intérieure et de transformer chaque instant en une opportunité de connexion.
L’histoire de Roger nous pousse à réfléchir à nos propres vies. Nous aussi, nous faisons face à des limitations – qu’elles soient physiques, mentales, ou même professionnelles. Mais au lieu de les voir comme des murs infranchissables, ne devrions-nous pas les considérer comme des points de départ pour redéfinir notre propre liberté ?
Cette histoire nous invite à poser ces questions essentielles :
- Sommes-nous parfois spectateurs de notre propre vie ? Comment pouvons-nous redevenir acteurs ?
- Comment transformons-nous l’attente et la routine en une opportunité de réflexion et de croissance ?
- Pouvons-nous trouver de la liberté dans les petites choses, même lorsque nos mouvements sont limités ?
- Comment réinventer notre équilibre entre les contraintes et les possibilités dans nos vies ?
L’histoire de Roger nous rappelle que même dans les situations les plus difficiles, il est toujours possible de redéfinir notre rapport à la vie, de trouver du sens, et de cultiver la liberté intérieure.
Carine KREUCHER-MARC SARL
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